Mutation, hybridation, coopération, résilience et solidarité, vers la construction d’un nouveau maillage territorial porté par les PME.

La fin des années 80 marquait le déclin du capitalisme industriel, les grandes firmes partent à la conquête de nouveaux territoires pourvus de mains d’œuvre moins chères et l’État aménageur devient alors manager, en arbitrant la compétitivité de chaque territoire (Smith et Timberlake, 1995).

Dès 1995, le monde change de nouveau et prend le virage du numérique et de la mondialisation. Il s’agit d’une nouvelle structure au sein de laquelle les interdépendances économiques obligent les entreprises à innover, à trouver des voies de développement alternatives.

Ce nouveau village planétaire nous amène à repenser nos territoires, leurs capacités d’influence, l’utilisation de leurs ressources. La quête de processus productifs à bas coûts et l’accroissement du nombre de territoires pouvant entrer dans ces processus tendent à les mettre en concurrence.

La France n’échappe pas à cette tornade du produire plus moins cher, ni les politiques publiques successives d’engendrer, comme l’écrivait déjà Jean François Gravier dans Paris et le désert français en 1947, des disparités économiques.

Mais pour autant, le développement économique d’un territoire relève-t-il uniquement du choix de la transformation numérique de ses PME ?

Ce choix provoquerait-il un sursaut de son attractivité ? En est-il le seul catalyseur ?

Si, notre réflexion est, dans un premier temps, axée côté entreprises, il est légitime de s’interroger si la création de valeur qu’elles souhaitent transmettre à leurs clients, passe par la digitalisation de leurs outils ? Investir dans le numérique est souvent assimilé à une charge, une dépense non différenciante et parfois juste de façade parce que l’entreprise se devait d’être présente sur la toile : digitaliser les outils de l’entreprise sans stratégie ne sert à rien.

Aussi le temps perdu pour passer au digital, est perçu comme non productif et n’entraîne donc aucun gain : pas de changement organisationnel, ni serviciel, ni de génération d’innovations. C’est pourquoi, il conviendra d’analyser les facteurs clés de succès du virage numérique qui doit être perçu comme une opportunité, un véritable levier, permettant d’une part d’améliorer la productivité ou la qualité de son offre mais également de conquérir de nouveaux marchés et enfin d’améliorer la qualité de vie de ses employés.

Le numérique doit être replacé dans une perspective stratégique globale bien au-delà de la seule rentabilité de l’entreprise.

Cependant la présence de PME digitalisées suffit-elle pour insuffler un élan d’attractivité économique à un territoire ?

D’un point de vue historique, les villes ont toujours joué le rôle de ce que l’on pourrait qualifier de « centre » aussi bien pour les économies et les administrations politiques que pour les peuples mais aujourd’hui cette fonction est altérée. Habiter en centre-ville a perdu beaucoup de ses attraits même si le courant de la ville du 1/4 d’heure porté par le professeur Moreno tente d’inverser la tendance.

C’est pourquoi, il sera légitime de s’interroger sur l’extinction de l’ère des grosses métropoles muséifiées (Sokoloff, 2000), sur la reconquête de territoires et un exode urbain vers des espaces délaissés jusqu’alors. Si la mise en réseau ou la création de clusters, est reconnue comme un levier de la performance d’un territoire, tout comme les liens de coopération tissés lors de festivals (Négrier, 2020) comment accompagner l’innovation qui en est la conséquence ? Nous verrons qu’il ne s’agit pas d’opposer une France urbaine, dynamique, entreprenante, multiculturelle à une France périphérique en déclin économique, délaissée, ni à une France qui prône la dé-consommation comme solution au changement climatique.

Pour autant, à en lire les articles publiés récemment, nombreux ont réfléchi à un retour à la campagne bienfaiteur mais doit-on opposer systématiquement ville / campagne ou ville moyenne / métropole ou urbain / nature ?

Force est de noter que la pandémie a amplifié ce phénomène qui remet en question notre mode de vie urbain, instauré par cette économie résidentielle (Talandier, 2020 ; Stébé, 2020 ; Faburel, Favre, Girault, 2020) : certains, de plus en plus nombreux, aspirent à une vie plus rurale, plus en phase avec leurs racines. Aujourd’hui un territoire doit être ancré dans la réalité de nos modes de vie et doit s’analyser sous plusieurs prismes : le logement, le lieu de travail, l’accès à une nourriture de qualité, l’accessibilité des soins, l’accès à des infrastructures éducatives, culturelles ou de loisirs. Chacun de ces prismes est-il constitutif de l’attractivité ? Comment la ville polluée, aux transports en commun saturés, peut-elle de nouveau correspondre aux aspirations de ses habitants ? Comment la transformation numérique des PME est-elle amenée à impacter notre lieu de vie et notre mode de vie dans sa globalité ?

En réalité, il s’agit d’un véritable défi qui dépasse le monde de l’entreprise qui a déjà démontré sa capacité à innover.

Aujourd’hui les PME doivent continuer leur mutation, leur hybridation en mêlant des projets culturels et économiques, en introduisant des notions de coopération, de résilience et de solidarité, en concevant des projets viables qui suscitent l’adhésion, en invitant à la construction d’un nouveau maillage territorial et porter leur territoire vers un avenir positif au sein duquel l’Etat, en tant que moteur dans l’élaboration des grandes politiques de développement, doit conserver son rang. Et si la transformation numérique des PME prenait toute sa place dans l’évolution de notre contrat social ?